Repérages le long du Ravet en pleine crue d’été
Les techniciens de rivière du SDDEA effectuent des relevés extrêmement précis le long des cours d’eau en vue de leur entretien et de leur restauration, dans le cadre de la compétence GeMAPI. Reportage le long du Ravet, un affluent de l’Aube, avec l’un d’eux.
Le Ravet se jette dans l’Aube à quelques centaines de mètres de la mairie de Brillecourt : c’est cet endroit que François Bagot, technicien de rivière au SDDEA, avait choisi pour démarrer sa prospection d’aval en amont le long du cours d’eau, un lundi 12 juillet inhabituellement frais et pluvieux. Rendez-vous était pris à 9h pour un rapide briefing sur le parking de la mairie avec Julien Leseurre, étudiant en BTS, stagiaire au SDDEA : au programme de la journée, repérage le long du Ravet dans cadre du PPRE, le Programme pluriannuel de restauration et d’entretien.
Le 8 juin, lors de l’Assemblée de Bassin Aube Médiane, à Piney, François Bagot avait expliqué aux délégués présents le repérage qu’il s’apprêtait à effectuer sur le terrain. Un diagnostic complet, pour élaborer ensuite une programmation d’actions proposée en comité de pilotage. Objectifs : améliorer le fonctionnement des cours d’eau, restaurer le milieu et limiter le phénomène d’inondation. Le PPRE doit aussi permettre d’anticiper les effets du changement climatique. « C’est un programme qui prévoit des actions à l’échelle de tout le Bassin : cela inclut le Ravet, le Grand Ravet et le Petit Ravet, car le Ravet se divise en confluences », explique François Bagot.
Environ 11 km sur deux jours
Equipé d’une tablette étanche pour noter tout ce qu’il va observer le long de son parcours, il détaille : « Je note les défauts d’entretien, comme les arbres penchés qui risquent de tomber, les embâcles, les arbres déjà tombés qui obstruent le lit mineur, les atterrissements, des accumulations plus ou moins importantes de divers matériaux qui peuvent contribuer à créer des inondations, les déchets en tous genres, surtout présents en aval des grandes villes, les ouvrages, buses, ponts, passerelles, et leur impact sur la circulation des sédiments et poissons, ce qui définit la continuité écologique. Je fais aussi la description du lit mineur : largeur, hauteur, fond du lit, s’il est constitué de gravier, sables, argile… »
Le technicien de rivière prévoyait de remonter le Ravet en traversant quatre communes : Brillecourt, Aulnay, Braux-le-Petit, Yèvres-le-Petit. « Aujourd’hui si on arrive à faire 5 km ce sera pas mal, demain un peu moins, entre 4 et 5 km. Normalement on va faire environ 11 km sur deux jours, c’est bien. » Lorsqu’il prospecte sur le terrain, le technicien prend contact avec les maires des communes concernées pour les prévenir qu’une prospection est en cours et pour échanger avec eux sur le passé du cours d’eau et les pratiques locales. « Le maire d’Aulnay m’a déjà expliqué beaucoup de choses sur le secteur », explique François Bagot. « Par exemple le cours d’eau est souvent en assec. Selon lui, les assecs seraient observés concomitamment à la mise en route de l’irrigation. Ce sujet quantitatif est très prégnant sur ce secteur. »
Progression difficile
Le briefing terminé, équipements de protection enfilés, la prospection démarre sous une pluie fine. Direction le lit du Ravet, et d’emblée il faut traverser une végétation dense et haute en contrebas de la route pour y parvenir, à deux pas de l’Aube déjà très haute. On en aperçoit le fort courant avant qu’elle ne s’engouffre sous le pont de la route départementale. Le Ravet est plus tranquille mais inhabituellement en eau lui aussi pour la saison. La situation météorologique exceptionnelle explique ces niveaux d’eau étonnamment hauts.
Le long de la rive la progression reste difficile dans la végétation. Un jeune aulne est tombé en travers de la rivière. Dans ce secteur « en général ce qu’on retrouve comme embâcle ce sont des saules ou des frênes », explique François Bagot en notant les caractéristiques de l’obstacle sur sa tablette. « Les aulnes comme ici ce n’est pas fréquent. Les saules cassent assez facilement, les frênes malheureusement sont attaqués par une maladie, la chalarose, et sont soumis aux assecs, ce qui favorise leur chute. » Avec ses observations, il note aussi des préconisations de solution. « Quand une embâcle est repérée, on préconise soit la surveillance, quand on estime que ça ne va pas créer vraiment de problème, soit l’élagage, on va en couper une partie, soit la suppression totale, quand il y a vraiment un gros risque d’inondation ou de création d’un bouchon… »
On retrouve des choses parfois…
Quelques dizaines de mètres plus loin, après un méandre le cours d’eau change brutalement de physionomie. « Dans un PPRE on fait un diagnostic du cours d’eau et on note tous les dysfonctionnements qu’on observe. Pour que l’analyse soit plus cohérente et pertinente, on le fait à une échelle de tronçons : on va sectoriser le cours d’eau sur la base de caractéristiques hydromorphologiques », explique François Bagot. « Si on observe des changements vraiment flagrants de largeur, de profondeur, on va fixer la limite à cet endroit. Par exemple on voit qu’ici la section se rétrécit de moitié quasiment. On peut aussi sectoriser au niveau d’ouvrages qui vont rompre la continuité et souvent après le cours d’eau est modifié. »
Le repérage de déchets est malheureusement monnaie courante également le long des cours d’eau. Là, une grande grille de barbecue rouillée se dresse en travers de la berge. « On retrouve des choses parfois… Une fois j’ai retrouvé un frigo, quand je travaillais à Clermont-Ferrand », commente François Bagot. Nous tomberons aussi sur un très vieux poteau électrique tombé en travers du lit de la rivière et sur du matériel agricole oublié, à demi enseveli sous la végétation.
Nous marchons sur la berge quand cela est possible, partout la végétation a énormément poussé avec l’humidité du printemps et de ce début d’été et la progression reste très lente. Pour avancer dans l’eau, les fonds vaseux sont impraticables mais lorsqu’ils laissent place à des fonds sablonneux ou de gravier, avec peu de profondeur, c’est plus facile. « D’habitude c’est à sec à cette époque de l’année, c’est la première fois que j’observe autant d’eau un 12 juillet ! », reconnaît François Bagot. Il ne s’attendait pas à cela.
Tracé très sinueux
Nous arrivons en sortie de forêt sur une vaste zone humide qui devrait être sèche à cette époque. Après déjà deux heures et demie de marche, la végétation se fait moins dense et on peut encore apercevoir le village au-delà des champs de maïs : nous sommes toujours au niveau de Brillecourt. La prospection s’avère plus longue que prévu.
Au final, sur les deux jours de prospection programmés, François et Julien ont parcouru 4,2 kilomètres le long du cours d’eau, qui s’est révélé très sinueux, au milieu d’une végétation extrêmement dense. « C’est la première prospection que j’effectue dans ces conditions. C’est plus compliqué pour nous mais c’est aussi rassurant dans un sens car le cours d’eau est resté très sauvage », commente le technicien de rivière. La présence d’embâcles et d’arbres penchés caractérise ses relevés mais la plupart ne présentent pas d’impact sur le risque inondation ni sur le maintien de la continuité écologique. François Bagot prévoit de retourner quatre jours de plus sur le Ravet en novembre pour terminer sa prospection. La restitution des éléments aux élus et partenaires n’interviendra pas avant la fin de cette année, au plus tôt.