Les élus du SDDEA et sa Régie font le point
sur une ressource sous pression
L’Assemblée générale du SDDEA et sa Régie, le 8 juin 2023, a permis d’anticiper un été très chaud, mettant la ressource en eau au cœur des débats face aux élus réunis au Centre de Congrès de l’Aube.
Ce début d’été 2023 devait s’avérer brûlant, la France connaissant le deuxième mois de juin le plus chaud de l’histoire de ses relevés météo, et le monde enregistrant globalement un record de température, inédit sur cette période. Le 8 juin, à l’occasion de l’Assemblée générale du SDDEA et sa Régie, il était encore trop tôt pour établir ce bilan mais le réchauffement et l’état de la ressource en eau était au cœur des préoccupations, avec la menace d’une nouvelle sécheresse estivale.
Cécile Dindar, préfète de l’Aube, s’était jointe à cette Assemblée générale à laquelle quelque 468 élus étaient appelés à participer. Valérie Bazin-Malgras, députée de la 2e circonscription du département, déléguée Eau potable (Cope-Territoire Troyes) était également présente. Nicolas Juillet, Président du SDDEA et sa Régie, a rappelé dans son introduction que, « particulièrement dans le contexte de changement climatique, cette Assemblée constitue un temps fort de la vie du service public de l’eau dans l’Aube ».
Situation déjà alarmante
A propos de l’état des masses d’eau, Marc-Eric Joffroy, hydrogéologue au SDDEA, a présenté les projections disponibles pour l’été : « Pour la France métropolitaine, au 15 mai, les chiffres-clés indiquent un rapport à la normale des précipitations déficitaire de plus de 10% en moyenne sur la France ; 68% des niveaux des nappes restent sous les normales mensuelles et 20 départements sont en alerte ou alerte renforcée sécheresse. » Une situation déjà alarmante donc, avant même les épisodes de canicules estivaux.
Dans l’Aube, le soutien d’étiage assuré par les Grands Lacs n’était toutefois pas menacé, avec « 193 millions de mètres cube disponibles sur le lac Seine et 165 millions sur le lac Aube », a précisé M. Joffroy. Concernant les eaux souterraines, dont dépend l’eau potable dans l’Aube, « la période de décharge des nappes débute pour une grande majorité des nappes vers la mi-mars, avec une tendance majoritairement à la baisse des niveaux des nappes. La baisse généralisée est bien conforme à un mois de juin », a précisé M. Joffroy, avec des disparités selon les secteurs géologiques.
Pluies de printemps
Les pluies d’été, captées essentiellement par la végétation, n’ont pas d’impact sur la recharge des nappes. Mais auparavant « les pluies de printemps ont permis de limiter les baisses de nappes, nous évitant ainsi une situation de grande sécheresse pour cet été », a-t-il rassuré. L’Aube pouvait donc aborder l’été avec une pression moins forte sur l’eau que dans d’autres départements, tout en restant très vigilante à l’évolution de la situation. A ce titre, les rapports et projections du BRGM, partenaire du SDDEA et sa Régie, apportent des données précieuses.
Si l’eau reste présente en quantité dans notre département, les préoccupations concernant sa qualité restent au cœur des anticipations du SDDEA et sa Régie. La question des polluants émergents fait l’objet de toutes les attentions. « Le constat de pollution des sols et des nappes et la publication de la nouvelle directive cadre Européenne imposent l’anticipation de l’ajout de nouvelles molécules dans le contrôle sanitaire », a expliqué Valentin Gondy, ingénieur à la Cellule qualité et protection de la Ressource. « La Régie du SDDEA a, par exemple, intégré les PFAS et le Bisphénol A dans le suivi sanitaire renforcé des schémas directeurs d’alimentation en eau potable. Ces molécules font l’objet d’un intérêt particulier car elles sont très stables dans l’environnement, et laissent supposer une contamination sur plusieurs dizaines années. » Ces substances, nous les utilisons quotidiennement à travers une multitude de produits du quotidien…
Campagne de prélèvements
« Par son travail de veille technique, la Régie du SDDEA a constaté l’émergence d’une problématique de qualité forte chez nos voisins européens. Il s’agit d’une pollution aux métabolites du chlorothalonil », a poursuivi M. Gondy. Le chlorothalonil est un pesticide utilisé jusqu’à fin décembre 2020 dans la grande majorité des cultures en France. « C’est sur ce dernier sujet que la Régie du SDDEA a décidé de réaliser une campagne de prélèvements afin de constater si le département de l’Aube est sujet à une pollution au chlorothalonil, ses métabolites et à d’autres polluants émergents. »
La Régie du SDDEA a souhaité mener cette démarche en anticipant, « sur la base des pesticides actuellement intégrés dans le contrôle sanitaire de l’ARS, à laquelle nous avons ajouté 83 molécules, dont 15 analysées par Eau de Paris », a précisé M. Gondy. « Eau de Paris dispose en effet d’un laboratoire de Recherche et Développement, référencé par l’ANSES dans le cadre de ses études relatives à la qualité de l’eau à l’échelle nationale. »
La marque de l’histoire
Cette campagne d’analyse a confirmé les résultats du contrôle sanitaire de l’ARS. Et elle a permis de « mettre en évidence la présence d’autres molécules de manière très localisée et/ou par un seul prestataire », a indiqué Mélissa Labarre, ingénieure au sein de la Cellule qualité et protection de la Ressource. Mais « leur présence dans les eaux nécessite d’être confirmée. » De plus la présence de métabolites (résidus de la molécule-mère) du chlorothalonil apparaît « sur la totalité des points de prélèvement ». Or « nous disposons de peu de données sur la toxicité de ces molécules ». Si « aucun service d’eau ne distribue une eau conforme sur les métabolites du chlorothalonil, aucune teneur ne dépasse la valeur sanitaire transitoire de 3 µg/L », a souligné Mme Labarre.
L’ANSES a également réalisé une campagne d’analyses à l’échelle nationale portant, entre autres, sur les métabolites du chlorothalonil, entre 2020 et 2022. « Le protocole d’échantillonnage de l’ANSES est sensiblement le même que notre campagne d’analyses », a précisé Mélissa Labarre. « Dans l’Aube, cette contamination semble généralisée, quelle que soit la ressource exploitée. » Il est probable que ce constat « soit en lien avec l’histoire de l’économie agricole de notre département, les productions développées étant consommatrices de ces produits phytosanitaires ». Cette démarche d’analyses sera désormais poursuivie en lien avec l’Agence Régionale de Santé.
Les Schémas progressent
Ce dossier complexe des métabolites suscite des interrogations et réactions légitimes parmi les élus du SDDEA et sa Régie, qu’ils ont pu exprimer également en mai et juin lors des récentes Assemblées de Territoires (qui se clôtureront en septembre). « Nous devons aller vers une coordination entre le SDDEA, sa régie et l’ARS pour améliorer la connaissance et réduire les coûts », a souligné Nicolas Juillet, Président du SDDEA et sa Régie, en clôturant cette présentation.
Les Schémas directeurs d’alimentation en eau potable (SDAEP) doivent aussi apporter une réponse sur la qualité de la ressource. Et ceux-ci progressent. « La Régie du SDDEA a été confortée par les expériences des schémas directeurs d’alimentation en eau potable du Nord-Ouest aubois, livré, et celui de Mogne-Seine-Barse, en cours », a souligné Lucile Gaillard, Directrice générale adjointe Gestions des Milieux, Prévention et Patrimoine. Et même si « ces nouvelles informations sur la qualité de l’eau viennent bousculer nos perceptions quant aux ressources représentant une certaine sécurité sur les paramètres de qualité », reconnaît Mme Gaillard, « cela conforte la méthodologie retenue pour leur réalisation. »
Ainsi « nous n’avons pas à remettre en question l’ordre de réalisation des Schémas, nous confirmons l’intérêt de disposer de SDAEP aussi poussés tant dans le diagnostic que dans l’évaluation des scénarios. » Enfin « l’évaluation de la vulnérabilité des ressources et des ouvrages aux évolutions climatiques reste un paramètre sine qua non. » Et il faudra aussi « recourir systématiquement au traitement, du fait de la contamination généralisée ».
Au terme de cette Assemblée générale, la Préfète Cécile Dindar a conclu la séance en soulignant l’urgence d’agir pour l’eau et le rôle essentiel du SDDEA et sa Régie sur toutes ces questions.
Pour en savoir plus :
- Deux nouvelles demandes de transfert de compétence eau potable pour un exercice de la compétence (sous forme de COPE), à partir du 1er janvier 2024, ont été adoptées : il s’agit des communes de Fontaine-Mâcon et de Pouy-sur-Vannes.
- L’Assemblée générale a adopté une demande de transfert de compétence assainissement collectif, pour exercice à partir du 1er janvier 2024, pour la commune de Torcy-le-Grand.
- Une demande de fusion de trois COPE, pour un exercice de la compétence Eau Potable sous forme d’un seul COPE à partir du 1er janvier 2024, a été adoptée. Il s’agit des COPE des Sources de la Barbuise, de la Région de Montsuzain et de la Vallée de la Barbuise, qui, par leur fusion, donneront naissance au COPE de la Barbuise (9 communes, 3763 habitants, 1808 abonnés).
- L’Assemblée générale a adopté le compte de gestion de l’exercice 2022 et le compte administratif 2022 du budget principal du SDDEA. Le débat d’orientation budgétaire est resté marqué par l’inflation. L’Assemblée générale a adopté la continuité présente dans les grands équilibres et les différentes masses proposées pour la préparation du budget primitif 2024, avec des cotisation stables.