Les dossiers de l’eau au cœur de nos Territoires
Les Assemblées de Territoires ont pu se dérouler normalement cette année, tout au long du mois de mai et début juin. Parmi les dossiers évoqués, la question de la qualité de l’eau potable et de sa pérennité était au cœur des préoccupations des élus.
La reprise des Assemblées de Territoires après l’interruption liée au Covid-19 a été l’occasion d’évoquer localement les dossiers relatifs à l’eau potable et à l’assainissement collectif, avec les élus de chaque Territoire de la Régie du SDDEA. « Cette Assemblée est vraiment le moment où nous pouvons parler de notre territoire, chez nous, et de notre eau », a ainsi tenu à souligner Solange Gaudy, présidente du Territoire Nord, lors de son Assemblée le 16 mai au Chêne, face aux délégués territoriaux. Lors de chacune des assemblées, le Directeur de Territoire a présenté un état des lieux des réseaux et des indicateurs en matière d’eau potable et d’assainissement collectif. Puis Stéphane Gillis, Directeur Général du SDDEA et sa Régie, est revenu sur les avancées concrètes et les partenariats menés dans le cadre de la Stratégie 2100. Lors de l’Assemblée du Territoire Nord, Eric Bailly-Bazin, Vice-Président du Territoire, a souligné en préambule : « La Stratégie 2100 ne concerne pas seulement le SDDEA et sa Régie car c’est une projection sur tout ce qui touche à l’eau demain. Chaque partenaire doit être sensibilisé sur le devenir de l’eau, c’est très important. »
Qualité et quantité à préserver
La gestion actuelle de la ressource en eau ne sera pas à même de relever les défis d’anticipation et d’adaptation aux phénomènes extrêmes (inondations, sécheresse) liés au changement climatique. Pour assurer la pérennité et la qualité de la ressource en eau sur le périmètre de du SDDEA et sa Régie, la Stratégie 2100 repose donc sur quatre piliers : la modélisation de l’impact du changement climatique sur la ressource et ses usages, en partenariat avec le BRGM, l’animation territorialisée, l’Observatoire de l’eau et les Schémas directeurs d’alimentation en eau potable. L’élaboration de ces schémas implique une mutualisation de la réflexion sur la pérennité de la qualité et de la quantité de la ressource au niveau de plusieurs services d’eau. Et c’est surtout l’évolution de la qualité de l’eau qui a suscité beaucoup de questions et de réactions de la part des élus au sein de tous les Territoires.
En effet M. Gillis a également présenté un exposé des enjeux réglementaires liés aux nouveaux métabolites de pesticides. La liste des résidus de pesticides à analyser dans l’eau potable s’est allongée et depuis le 1er janvier 2021 : les chloridazone desphényl et méthyl desphényl sont classés « pertinents » par l’ANSES en France. Le chloridazone, très utilisé pour la betterave et désormais interdit, se retrouve particulièrement dans nos territoires. Ainsi l’Aube est passée de 96 % de conformité pour l’eau distribuée par les services avant 2021, à 84 % après le 1er janvier 2021, du fait de la détection nouvelle de ces résidus de pesticides.
Repenser les usages
Les Schémas directeurs font partie des solutions à apporter pour résoudre ces difficultés à long terme. Mais plus généralement, cela soulève la question de nos usages de l’eau dans tous les domaines, pas seulement l’agriculture. Or des réseaux spécifiques à l’eau pour la consommation humaine n’existent pas actuellement. « A l’avenir il faudra qu’on arrive à isoler les besoins de ressources en eau… Est-ce qu’on continue dans le schéma actuel traditionnel ? », s’interroge Jean-Paul Godefert, Président du COPE (Conseil de la Politique de l’eau) Eau potable de la Région de Brienne-le-Château (Territoire Est). « Ce sont des sujets émergents qui ne le seront plus dans dix ou vingt ans, ils seront sur la table. Et l’Observatoire de l’eau peut être l’endroit pour commencer à travailler dessus », lui a répondu Stéphane Gillis.
Les disparités européennes interpellent également les élus. Chaque pays européen définit la pertinence d’une molécule. Ainsi le chloridazone est classé « non-pertinent » de l’autre côté de nos frontières, en Allemagne et en Suisse. Les membres de l’Union Européenne doivent reprendre à minima les critères de qualité de l’eau de l’UE et les renforcer si besoin. Stéphane Gillis a expliqué : « En France comme on n’a pas assez d’études toxicologiques sur la chlorydazone, elle est par défaut classée comme pertinente. En Allemagne, elle est classée non-pertinente. Un travailleur frontalier français peut boire le matin une eau non-conforme, le midi une eau conforme, le soir une eau non-conforme, alors qu’elles proviennent de la même nappe… »
« Quand on va chercher… »
En France, le seuil de conformité à respecter pour un pesticide pertinent est de 0,1 µg/L d’eau distribuée, et de 0,9 µg/L pour les pesticides non-pertinents. En cas de non-conformité, le délai de retour au seuil réglementaire est de trois ans, maximum six à certaines conditions, pour les nouvelles molécules analysées. Bertrand Masure, Vice-Président du Territoire Sud-Est a toutefois souligné : « La norme actuelle sur les pesticides est extrêmement sécuritaire, très basse, fixée pour ne prendre aucun risque. » Mais la problématique se fait plus pressante, et Olivier Duquesnoy, Président du Territoire Ouest, souligne : « Il va falloir prévoir les changements de normes. Comment arriver à s’adapter assez rapidement ? » Une interrogation largement partagée au sein des Territoires. Ainsi Michel Lamy, Vice-Président du SDDEA et président du Territoire Nord-Ouest, avertit : « Il y a aussi la problématique des médicaments, on ne parle pas de la consommation humaine, que l’on ne cherche pas encore. On est tous concernés : quand on va chercher quelque chose, je suis persuadé qu’on va trouver… » Pour cette raison, « nous travaillons en partenariat avec un laboratoire d’Eau de Paris sur la détection d’autres molécules pour anticiper », a souligné Stéphane Gillis. En effet à l’avenir, d’autres molécules pourraient être classées comme « pertinentes », au-delà même des pesticides et de leurs résidus.
L’évolutions des tarifs
Face à tous ces enjeux et à la nécessité d’investir, d’entretenir et de renouveler les réseaux, les tarifs de l’eau potable, encore bas dans une majorité de Territoires par rapport à la moyenne nationale (2,08 € / m3), pourraient être amenés à augmenter dans les années à venir. Cela inquiète certains Présidents de COPE, à l’instar de Dominique Lhomme, Président du COPE Eau potable du Landion (Territoire Sud-Ouest) : « Je suis Président d’un petit COPE qui produit 30000 m3 d’eau par an. Je ne sais pas comment faire face dans les années à venir à tous les frais. Le prix de l’eau va augmenter, ce qui va faire baisser l’attractivité de nos territoires, notre population, et in fine notre consommation… » Chaque COPE fixe son tarif, en fonction de ses spécificités et de son budget. Par ailleurs, Patrick Grosjean, Président du Territoire Centre, s’est interrogé : ne faudrait-il pas augmenter le tarif de l’eau également pour que l’usager préserve mieux la ressource ?
En matière budgétaire, les élus présents lors des Assemblées de Territoires ont pris connaissance du rôle et du fonctionnement du fonds de mutualisation et d’investissement. Ce dispositif proposé par la Régie du SDDEA peut aider les COPE en cas de difficultés financières à certaines conditions, notamment si l’augmentation des tarifs ne suffit pas. Toutefois le système mutualisé est conçu de manière à ne pas pénaliser la capacité d’investissement des COPE excédentaires tout en aidant les COPE déficitaires.